rire un peu à leurs dépens : — Les expériences des artistes, au sujet de ce point délicat, sont tout au moins « plus intéressantes », et Pygmalion n’était certes pas nécessairement un homme « inesthétique ». Ayons d’autant meilleure opinion de l’innocence de nos esthéticiens, innocence qui se reflète dans de pareils arguments ; rappelons par exemple que ce que Kant enseigne, avec la naïveté d’un pasteur de campagne, sur les particularités du sens tactile est tout à son honneur ! — Ici nous revenons à Schopenhauer, qui fut, dans une tout autre mesure que Kant, en rapport avec les arts et pourtant il n’a pu se débarrasser de l’influence de la définition kantienne. Comment expliquer cela ? La chose est assez étrange : le mot « sans intérêt » il l’interpréta de la façon la plus personnelle, guidé par son expérience qui chez lui a dû être des plus régulières. Il y a peu de choses sur lesquelles Schopenhauer parle avec autant d’assurance que sur l’effet de la contemplation esthétique : il prétend qu’elle réagit précisément contre l’« intérêt » sexuel, à peu près comme feraient la lupuline et le camphre ; il n’a jamais cessé de glorifier cette façon de se délivrer de la « volonté », le grand avantage et l’utilité de la condition esthétique. On
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