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de choisir un idéal ascétique, sans être couvert par la philosophie de Schopenhauer, sans l’autorité de Schopenhauer arrivée à son apogée dans les années soixante-dix ? (sans compter que dans la nouvelle Allemagne un artiste qui n’aurait pas été plein de sentiments de piété — à l’égard de l’Empire bien entendu[1] — eût été impossible). — Et nous voici arrivés à la plus grave question : quel sens faut-il attacher au fait qu’un philosophe véritable rende hommage à l’idéal ascétique, un esprit qui repose sur sa propre base comme Schopenhauer, un homme et un chevalier au regard d’airain, qui a le courage de sa personnalité, qui sait marcher seul, qui n’a besoin ni de chef de file ni d’ordre venu de plus haut ? — Examinons immédiatement ici la position de Schopenhauer vis-à-vis de l’art, position singulière et même fascinante pour certains hommes : car c’est visiblement elle qui tout d’abord fit passer Wagner du côté de Schopenhauer (sur le conseil d’un poète, comme on sait, du poète Herwegh), et cela avec une telle conviction qu’il y eut opposition violente et complète entre sa foi esthétique des pre-

  1. Allusion intraduisible au célèbre trope du monologue de Guillaume Tell dans Schiller : Die Milch der frommen (Nietzsche ajoute reichsfrommen) Denkungsart. — N. d. T..