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5.

— Quel est donc le sens de tout idéal ascétique ? Dans le cas de l’artiste, nous commençons à le comprendre : il n’y en a aucun !… Ou bien il est si multiple qu’il vaut autant dire qu’il n’y en a pas !… Éliminons tout d’abord les artistes : leur indépendance dans le monde et à l’égard du monde n’est pas assez grande pour que leurs appréciations et les changements dans ces appréciations méritent, par eux-mêmes, de l’intérêt ! Ils furent de tous temps les humbles valets d’une morale, d’une philosophie ou d’une religion ; sans compter que trop souvent, hélas ! ils ont été les courtisans dociles de leurs admirateurs et de leurs fidèles, les flatteurs éhontés des puissances d’ancienne et de fraîche date. Tout au moins leur faut-il toujours un rempart, une réserve, une autorité sur quoi ils puissent se fonder : les artistes ne vont jamais seuls, l’allure de l’indépendance est contraire à leurs instincts essentiels. C’est ainsi que Wagner, par exemple, prit le philosophe Schopenhauer lorsque « le temps fut venu » de choisir un chef de file, un rempart : — qui pourrait imaginer seulement qu’il eût eu le courage