Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/169

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Il n’est en définitive que la condition première de son œuvre, le sein maternel, l’humus, dans certaines circonstances l’engrais, du fumier sur lequel, hors duquel elle pousse, — c’est donc, dans la plupart des cas, quelque chose qu’on doit oublier, si l’on veut prendre plaisir à l’œuvre elle-même. L’étude de l’origine d’une œuvre concerne le physiologiste et le vivisecteur de l’esprit ; jamais, au grand jamais, elle ne concerne les hommes esthésiques, les artistes ! Au poète et au créateur de Parsifal ne fut pas plus épargné un approfondissement foncier et terrible, une identification avec les contrastes psychiques du moyen âge, un isolement hostile, loin de tout ce qui ressemble à de la hauteur, à de la sévérité et de la discipline de l’esprit, une espèce de perversité intellectuelle (qu’on me passe le mot), tout aussi peu que ne sont épargnés à une femme enceinte les dégoûts et les bizarreries de la grossesse : ce qu’il faut précisément oublier pour se réjouir de l’enfant. Il faut se garder de la confusion où l’artiste ne verse que trop facilement, par contiguity psychologique, pour parler comme les Anglais : comme s’il était lui-même ce qu’il représente, imagine et exprime. En réalité, s’il était ainsi conformé, il ne saurait se représenter, s’imaginer et s’exprimer ; un