Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/165

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cas où existe réellement cette opposition entre la chasteté et la sensualité, il s’en faut de beaucoup, et cela est heureux, pour qu’elle soit une opposition tragique. Il semble en être ainsi de tous les mortels de bonne santé et d’esprit pondéré qui sont loin de compter, sans plus d’examen, cet équilibre instable entre « l’ange et la bête » au nombre des principes contradictoires de l’existence, — les plus fins et les clairs comme Hafis, comme Goethe y ont même vu un attrait de plus. Ce sont précisément de telles oppositions qui font aimer la vie… D’autre part, il va sans dire que, lorsque les infortunés animaux de Circé — et il y a de ces animaux ! — sont amenés à adorer la chasteté, ils n’en voient et n’en adorent que l’opposé, — oh ! avec quel tragique grognement et quelle ardeur ! on peut se le figurer — ils adorent ce contraste douloureux et absolument superflu que Richard Wagner, à la fin de sa vie, a voulu incontestablement mettre en musique et porter sur la scène. Dans quel but ? demandera-t-on, comme de juste. Car que lui importaient et que nous importent les animaux de Circé ? —