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Mais l’on entend et l’on remarque que ce spectateur, ce juge olympique, est encore fort éloigné de leur en vouloir à cause de cela et de leur en garder rancune : « Qu’ils sont fous ! » — ainsi pense-t-il en face des méfaits des mortels, — et la « folie », la « déraison », un peu de « trouble dans la cervelle », voilà ce qu’admettaient aussi les Grecs de l’époque la plus vigoureuse et la plus brave, pour expliquer l’origine de beaucoup de choses fâcheuses et fatales : — Folie, et non péché ! Saisissez-vous ?… Et encore ce trouble dans la tête leur était-il un problème. — « Comment ce trouble était-il possible ? Comment pouvait-il se produire dans des têtes comme nous en avons, nous autres hommes de noble origine, nous autres hommes heureux, bien venus, distingués, de bonne société, vertueux ? » — Telle fut la question que pendant des siècles se posa le Grec noble en présence de tout crime ou forfait, incompréhensible à ses yeux, mais dont un homme de sa caste s’était souillé. « Il faut qu’un dieu l’ait aveuglé », se disait-il enfin en hochant la tête… Ce subterfuge est typique chez les Grecs… Voilà la façon dont les dieux alors servaient à justifier jusqu’à un certain point les hommes, même dans leurs mauvaises actions, ils servaient à inter-