Page:Nietzsche - La Généalogie de la morale.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dieux que cet auto-crucifiement et cet avilissement de l’homme, qui ont été le chef-d’œuvre de l’humanité dans ces mille et quelques dernières années ; — pour s’en convaincre il suffit heureusement de jeter les yeux sur les dieux de la Grèce, sur ces reflets d’hommes plus nobles et plus orgueilleux chez qui l’animal dans l’homme se sentait divinisé et ne se déchirait pas soi-même, plein de fureur ! Ces Grecs se sont au contraire longtemps servi de leurs dieux pour se prémunir contre toute velléité de « mauvaise conscience », pour avoir le droit de jouir en paix de leur liberté d’âme : donc dans un sens opposé à la conception que s’était faite de son Dieu le christianisme. Ils allèrent fort loin dans cette voie, ces superbes enfants terribles au cœur de lion ; et même l’autorité d’un Zeus homérique leur donne parfois à entendre qu’ils vont trop loin. « C’est étrange », dit-il une fois — il s’agit du cas d’Égisthe, un cas bien épineux —

C’est étrange de voir combien les mortels se plaignent des dieux !
De nous seuls vient le mal, à les entendre ! Pourtant eux aussi,
Par leur folie, créent leurs propres malheurs malgré le destin.