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l’homme, Dieu se payant à lui-même, Dieu parvenant seul à libérer l’homme de ce qui pour l’homme même est devenu irrémissible, le créancier s’offrant pour son débiteur, par amour (qui le croirait ? ), par amour pour son débiteur !…

22.

On aura déjà deviné ce qui se passa avec tout cela et sous le voile de tout cela : cette tendance à se torturer soi-même, cette cruauté rentrée de l’animal homme refoulé dans sa vie intérieure, se retirant avec effroi dans son individualité, enfermé dans l’ « État » pour être domestiqué, et qui inventa la mauvaise conscience pour se faire du mal, après que la voie naturelle de ce désir de faire le mal lui fut coupée, — cet homme de la mauvaise conscience s’est emparé de l’hypothèse religieuse pour pousser son propre supplice à un degré de dureté et d’acuité effrayant. Une obligation envers Dieu : cette pensée devint pour lui un instrument de torture. Il saisit en « Dieu » les derniers contrastes qu’il peut imaginer à ses propres instincts animaux irrémissibles, il transmue ces instincts mêmes en fautes envers Dieu (hostilité, rébellion, révolte contre le « maître »,