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racine dans ce sol-là. — Pendant bien longtemps, en effet, dans l’esprit de celui qui juge et punit, ne s’est même pas glissée l’idée qu’il pourrait avoir affaire à un « coupable ». Le malfaiteur était pour lui l’auteur d’un dommage, une parcelle irresponsable de la destinée. Et ce malfaiteur sur qui tombait alors le châtiment, comme une autre parcelle de destinée, n’en éprouvait d’autre « peine intérieure » que s’il était victime d’une catastrophe imprévue, d’un phénomène terrifiant de la nature, un bloc de rocher qui roule et qui écrase tout sur son passage, sans qu’il y ait contre lui possibilité de lutte.

15.

Non sans qu’il en éprouvât quelque embarras, ce fait se présenta un jour à la conscience de Spinoza (au grand déplaisir de ses interprètes, Kuno Fischer entre autres, qui se sont méthodiquement efforcés de le mal comprendre en cet endroit). Alors qu’il se frottait à je ne sais quel souvenir, il se mit à réfléchir à la question de savoir ce qui était demeuré en lui du fameux morsus conscientiæ — en lui qui avait rangé le bien et le mal parmi les imaginations de l’homme et avait défendu avec colère son Dieu