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toire : dans quelle sphère s’est donc jusqu’à présent exercée l’action du droit, dans quelle sphère le besoin du droit s’est-il fait sentir ? Dans celle de l’homme réactif ? Nullement, mais bien dans celle de l’être actif, fort, spontané, agressif. Au risque de blesser l’agitateur que je viens de nommer (qui lui-même se surprend à faire cet aveu singulier : « la doctrine de la vengeance traverse tous mes écrits, toutes mes aspirations, comme le fil rouge de la justice ») — je dirai qu’au point de vue historique le droit sur la terre est précisément l’emblème de la lutte contre les sentiments réactifs, de la guerre que livrent à ces sentiments des puissances actives et agressives qui consacrent une partie de leurs forces à arrêter ou à entraver le débordement de la passion réactive et à la réduire à un accommodement. Partout où la justice est exercée, où la justice maintient son pouvoir, on voit une puissance forte, vis-à-vis d’autres puissances plus faibles et dépendantes (que ce soient des groupes ou des individus), chercher à mettre un terme aux fureurs insensées du ressentiment, soit en arrachant l’objet du ressentiment des mains de la vengeance, soit en déclarant la guerre de son côté, aux lieu et place de la vengeance, aux ennemis de la paix et de l’ordre, soit