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prenne fantaisie d’étudier un jour le ressentiment de près : cette fleur s’épanouit aujourd’hui dans toute sa beauté parmi les anarchistes et les antisémites, comme elle s’est du reste toujours épanouie, dans l’ombre, pareille à la violette, bien que la senteur en soit différente. Et, comme des choses semblables naissent nécessairement les choses semblables, on ne s’étonnera pas que, précisément dans ces milieux, des tentatives soient faites — et ce n’est pas la première fois (voyez plus haut § 3) — pour sanctifier la vengeance sous le nom de justice — comme si la justice n’était au fond qu’une transformation du sentiment de l’offense ressentie — et pour mettre en honneur, avec la vengeance, l’ensemble de toutes les émotions réactives. Ce dernier point me choque moins que tout autre : il me semblerait même être un mérite par rapport au problème biologique tout entier (par rapport à quoi la valeur de ces émotions a jusqu’ici été cotée trop bas). Je tiens seulement à attirer l’attention au fait que c’est de l’esprit du ressentiment même qu’est sortie cette nouvelle nuance d’équité scientifique (au profit de la haine, de l’envie, du dépit, de la défiance, de la rancune, de la vengeance). Car cette équité scientifique disparaît pour faire place à des accents