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7.

— Ces réflexions, soit dit en passant, n’ont point pour but d’amener de l’eau nouvelle au moulin grinçant et discordant du dégoût de la vie, pour la plus grande satisfaction de nos pessimistes ; au contraire, j’atteste ici expressément qu’au temps où l’humanité n’avait pas encore honte de sa cruauté, la vie sur terre s’écoulait avec plus de sérénité qu’à notre époque de pessimisme. L’assombrissement de la voûte céleste au-dessus de l’homme a toujours grandi en proportion avec la honte que l’homme éprouvait à la vue de l’homme. Le regard pessimiste et fatigué, la défiance vis-à-vis de l’énigme de la vie, la glaciale négation dictée par le dégoût de la vie — ce ne sont pas là les signes caractéristiques des époques les plus méchantes du genre humain : au contraire ! en vrais végétaux des marécages, ils ne viennent au jour que quand se forme le marécage qui est leur terrain ; — j’entends le maladif aveulissement et le moralisme qui finissent par apprendre à l’animal « homme » à rougir de tous ses instincts. En passe de devenir un ange (pour ne pas employer un mot plus dur) l’homme s’est attiré cet estomac gâté et cette langue chargée qui non seulement lui ont