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est grand sur la terre, il a été longuement et abondamment arrosé de sang. Et ne faudrait-il pas ajouter que ce monde n’a jamais perdu tout à fait une certaine odeur de sang et de torture ? (pas même chez le vieux Kant : l’impératif catégorique a un relent de cruauté…) C’est ici aussi que cet étrange enchaînement d’idées, aujourd’hui peut-être inséparable, l’enchaînement entre « la faute et la souffrance » a commencé par se former. Encore une fois : comment la souffrance peut-elle être une compensation pour des « dettes » ? Faire souffrir causait un plaisir infini, en compensation du dommage et de l’ennui du dommage cela procurait aux parties lésées une contre-jouissance extraordinaire : faire souffrir ! — une véritable fête ! d’autant plus goûtée, je le répète, que le rang et la position sociale du créancier étaient en contraste plus frappant avec la position du débiteur. Ceci présenté comme probabilité : car il est difficile de voir au fond de ces choses souterraines, outre que l’examen en est douloureux ; et celui qui lourdement introduit ici l’idée de « vengeance » ne fait que rendre les ténèbres plus épaisses au lieu de les dissiper (— la vengeance ramène au même problème : « comment faire souffrir peut-il être une réparation ? »). Il répugne, à ce