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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

7.

Il nous faut maintenant faire appel à tous les principes esthétiques exposés jusqu’ici, pour pouvoir nous diriger dans ce labyrinthe qu’est véritablement l’origine de la Tragédie grecque. Je ne crois pas dire une absurdité en prétendant que ce problème n’a pas encore été sérieusement posé, et par conséquent moins encore résolu, si nombreuses qu’aient été déjà les spéculations tentées à l’aide des lambeaux flottants de la tradition antique, si souvent lacérés ou recousus l’un à l’autre. Cette tradition déclare, de la façon la plus formelle, que la Tragédie est sortie du chœur tragique, et n’était à son origine que chœur et rien que chœur. Nous avons donc le devoir de pénétrer jusqu’à l’âme de ce chœur, qui fut le véritable drame originel, sans nous contenter si peu que ce soit des définitions esthétiques courantes, — d’après lesquelles ce chœur serait le spectateur idéal, ou aurait pour objet de représenter le peuple, en face de la classe princière à laquelle la scène était réservée. Cette dernière explication, empreinte d’une noble grandeur aux yeux de maint politicien — en ce qu’elle représente la loi morale immuable des démocratiques Athéniens comme incarnée dans le chœur du peuple, qui a toujours raison au milieu des extravagances et des divagations des rois, — cette explication peut avoir pour elle l’appui d’une parole