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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

die de ce tueur de dragons, l’orgueilleuse témérité avec laquelle ces êtres tournent le dos aux enseignements débiles de l’optimisme, pour « vivre résolument » d’une vie pleine et complète : ne devait-il pas arriver nécessairement que l’expérience volontaire de l’énergie et de la terreur amenât l’homme tragique de cette civilisation à souhaiter un art nouveau, l’art de la consolation métaphysique, la tragédie, comme une Hélène à laquelle il avait droit, et à s’écrier avec Faust :

Et ne devais-je pas, avec une violence passionnée,
Faire naître à la vie la forme la plus divine ? »

« Cela ne devait-il pas arriver nécessairement ? » … Non, trois fois non ! Ô jeunes romantiques : cela ne devait pas arriver nécessairement ! Mais il est très vraisemblable que cela se termine ainsi, que vous finissez ainsi, c’est-à-dire « consolés », comme cela est écrit, en dépit de tous vos efforts pour connaître par vous-mêmes l’énergie et la terreur, « métaphysiquement consolés, » bref, ainsi que finissent les romantiques, chrétiennement… Non ! Il vous faudrait d’abord apprendre la consolation de ce côté-ci, — il vous faudrait apprendre à rire, mes jeunes amis, si toutefois vous vouliez absolument rester pessimistes ; peut-être bien qu’alors, sachant rire, vous jetteriez un jour au diable toutes les consolations métaphysiques, — et pour commencer la métaphysique elle-même ! Ou, pour employer le langage de ce monstre dionysien, qui a nom Zarathoustra :

« Élevez vos cœurs, mes frères, haut, plus haut !