leur auteur. Il frissonne à la pensée des malheurs qui frapperont le héros et il en pressent pourtant une joie plus haute et infiniment plus puissante. Il contemple mieux et plus profondément que jamais et cependant il souhaite d’être aveuglé. Où devrons-nous chercher la cause de ce désaccord intime, de cet avortement de l’effort apollinien, sinon dans l’enchantement dionysien qui, portant en apparence à leur apogée les émotions apolliniennes, est cependant assez puissant pour asservir à son usage ce débordement de la force apollinienne. On ne doit comprendre le mythe tragique que comme une représentation symbolique de la sagesse dionysienne à l’aide de moyens artistiques apolliniens ; il conduit le monde de l’apparence jusqu’aux limites où celui-ci se nie soi-même et veut retourner se réfugier au sein de la véritable et unique réalité, où il semble alors entonner, avec Isolde, son métaphysique chant du cygne :
Dans le flot houleux
de l’océan des béatitudes,
dans l’harmonie sonore
des ondes de vapeurs embaumées
dans la tourmente infinie
du souffle du monde —
s’engloutir — s’abîmer —
inconscient — joie suprême !
C’est ainsi que, d’après les impressions de l’au-