apollinien. Et ainsi se révèle la vraie nature de l’illusion apollinienne dont le but est de voiler sans cesse, pendant la durée de la tragédie, l’authentique action dionysiaque. Mais celle-ci est cependant assez puissante pour pousser à la fin le drame apollinien lui-même dans une sphère où il commence à parler le langage de la sagesse dionysienne, et où il renie et soi-même, et son évidence apollinienne. Le rapport complexe de l’esprit apollinien et de l’instinct dionysiaque dans la tragédie devrait ainsi, en réalité, être symbolisé par une alliance fraternelle de ces deux divinités. Dionysos parle la langue d’Apollon, mais Apollon parle finalement le langage de Dionysos : et par là est atteint le but suprême de la tragédie et de l’art.
22.
Que le lecteur qui m’a suivi jusqu’ici avec une attention bienveillante veuille bien évoquer devant soi, d’après sa propre expérience, l’effet intégral et pur de tout mélange d’une véritable tragédie musicale. Je pense avoir décrit les deux aspects de ce phénomène de manière qu’il puisse à présent s’expliquer les impressions qu’il a ressenties. Il se souviendra, en effet, qu’au spectacle du mythe représenté devant lui, il se sentait grandi jusqu’à une sorte d’omniscience, comme si ses regards ne possédaient plus alors une faculté de vision simple-