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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

pureté, à inventer une troisième forme dont, certes, ils n’usèrent pas longtemps pour eux-mêmes, mais qui, précisément à cause de cela, est immortelle. Car si c’est une inflexible loi, applicable à toutes choses, que ce qui est aimé des dieux doit périr de bonne heure, il est également assuré que c’est pour vivre alors éternellement avec les dieux. Que l’on ne requière donc pas de la plus noble parmi toutes les choses qu’elle ait la durable solidité du cuir ; l’implacable ténacité, par exemple, qui fut le propre de l’instinct national romain, ne compte vraisemblablement pas au nombre des attributs indispensables de la perfection. Mais si nous voulons savoir quelle intervention tutélaire a permis aux Grecs de la grande époque, malgré l’extraordinaire énergie des déchaînements dionysiaques et des mouvements politiques, de ne pas s’annihiler dans l’extase d’une incubation morbide, ni de s’épuiser par une dévorante avidité d’hégémonie et de gloire mondiales ; par quel secours il leur fut accordé d’obtenir cet admirable mélange, — tel un vin généreux qui tout à la fois réchauffe et induit à la contemplation, — il faut nous rappeler cette puissance inouïe, qui exalte et stimule la vie populaire, cette force purifiante et libératrice de la Tragédie. Et nous ne pourrons pressentir la plus haute portée de cette Tragédie que si nous reconnaissons en elle, à l’exemple des Grecs, la somme intégrale de tous les éléments salutaires et prophy-