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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

saisir, au milieu de préoccupations relevant aussi peu des lois de la beauté éternelle que de celles du sublime. On n’a qu’à regarder un peu de près et en personne ces chaperons de la musique, lorsqu’ils crient avec une si infatigable ardeur « Beauté ! Beauté ! », pour voir s’ils se conduisent, en cette occurrence, comme les fils préférés de la nature, ses enfants gâtés élevés dans le giron du beau, ou s’ils ne cherchent pas plutôt ainsi un masque hypocrite pour dissimuler leur cuistrerie naturelle, un prétexte esthétique pour excuser leur apathie et leur platitude : à ce propos, je pense, par exemple, à Otto Jahn. Mais que le menteur et l’hypocrite prennent garde à la musique allemande ; car, au centre de toute notre culture, elle seule est le feu spirituel inaltéré, limpide et purificateur, d’où proviennent et où vont toutes choses entraînées dans un double orbite comme dans le système du grand Héraclite d’Éphèse ; et tout ce que nous nommons aujourd’hui culture, intelligence, civilisation, doit comparaître un jour au tribunal de Dionysos, l’infaillible justicier.

Rappelons-nous alors, comment, grâce à Kant et à Schopenhauer, il fut possible à la philosophie allemande, dérivée des mêmes principes, d’anéantir le satisfait plaisir de vivre du socratisme scientifique, par la détermination de ses limites ; comment cette démonstration eut pour résultat une conception incomparablement plus profonde et