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L’ORIGINE DE LA TRAGÉDIE

différent : ici, Apollon triomphe de la souffrance de l’individu à l’aide de la glorification radieuse de l’éternité de l’apparence ; ici la beauté l’emporte sur le mal inhérent à la vie, la douleur est, dans un certain sens, mensongèrement supprimée des traits de la nature. Dans l’art dionysien et dans sa symbolique tragique, cette même nature nous parle d’une voix non déguisée, de sa voix véritable, et nous dit : « Sois tel que je suis moi-même ! Parmi la perpétuelle métamorphose des apparences, l’aïeule primordiale, l’éternelle créatrice, l’impulsion de vie éternellement coactive, s’assouvissant éternellement à cette variabilité de l’apparence ! »

17.

L’art dionysien lui aussi veut nous convaincre de l’éternelle joie qui est attachée à l’existence ; seulement, nous ne devons pas chercher cette joie dans les apparences, mais derrière les apparences. Nous devons reconnaître que tout ce qui naît doit être prêt pour un douloureux déclin, nous sommes forcés de plonger notre regard dans l’horrible de l’existence individuelle — et cependant la terreur ne doit pas nous glacer : une consolation métaphysique nous arrache momentanément à l’engrenage des migrations éphémères. Nous sommes véritablement, pour de courts instants, l’essence primordiale elle-même, et nous en ressentons l’ap-