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OPINIONS ET SENTENCES MÊLÉES



166.

Vouloir vaincre. — Un artiste qui, dans tout ce qu’il entreprend, dépasse ses forces, finira par entraîner la foule avec lui, par le spectacle même de la lutte formidable qu’il lui offre : car le succès n’est pas toujours seulement dans la victoire, mais parfois déjà dans le désir de vaincre.

167.

Sibi scribere. — L’auteur raisonnable n’écrit pas pour une autre postérité que la sienne, c’est-à-dire pour sa propre vieillesse, car il pourra, alors, se réjouir sur lui-même.

168.

Éloge de la sentence. — Une bonne sentence est trop dure pour la mâchoire du temps, et des milliers d’années ne suffiront pas à la dévorer, quoique tentes les époques s’en nourrissent : par cela elle est le grand paradoxe dans la littérature, l’impérissable au milieu du changement, l’aliment toujours apprécié, comme le sel, mais qui ne perd pas sa saveur.

169.

Besoins artistiques de second ordre. — Le peuple possède bien quelque chose que l’on peut appeler des aspirations artistiques, mais celles-ci sont minimes et faciles à satisfaire. Au fond, les déchets de l’art y suffisent : il faut se l’avouer sans ambages. Considérez, par exemple, quelles sont les mélo-