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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

ont eue à l’égard de leur propre force ; ils ont cherché des puissances alliées, des intercesseurs, des couvertures, — tel le poète qui appelle à son aide la philosophie, le musicien qui a recours au drame et le penseur qui s’allie à la rhétorique.

140.

Se taire. — L’auteur doit se taire lorsque son œuvre se met à parler.

141.

Insignes du rang. — Tous les poètes et écrivains qui sont amoureux du superlatif veulent plus qu’ils ne peuvent.

142.

Livres froids. — Le bon penseur compte sur des lecteurs qui ressentent après lui la joie qu’il y a à bien penser : en sorte qu’un livre qui a l’air froid et sobre, s’il est vu par un œil juste, caressé par le rayon de soleil de la sérénité intellectuelle, peut apparaître telle une véritable consolation de l’âme.

143.

Artifice du balourd. — Le penseur lourd choisit généralement comme alliés la loquacité ou la solennité : au moyen de la première il croit s’approprier de la mobilité et de la limpidité ; au moyen de la seconde, il fait croire que sa qualité est l’effet d’un libre choix, d’une intention artis-