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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

temps ». — L’approbation des meilleurs assure la gloire.

104.

D’une même étoffe. — Si l’on est fait d’une même étoffe qu’un livre et une œuvre d’art on est intimement persuadé que ceux-ci doivent être parfaits, et l’on est offensé si d’autres les trouvent laids, exagérés ou fanfarons.

105.

Langage et sentiment. — Le langage ne nous a pas été donné pour communiquer nos sentiments, on s’en rend compte à ce fait que tous les hommes simples ont honte de chercher des mots pour leurs émotions profondes : ils ne les communiquent que par des actes et rougissent de voir que les autres semblent deviner leurs motifs. Parmi les poètes, à qui généralement la divinité refuse ce mouvement de pudeur, les plus nobles sont monosyllabiques dans le langage du sentiment et laissent deviner la contrainte : tandis que les véritables prêtres du sentiment sont le plus souvent insolents dans la vie pratique.

106.

Erreur au sujet d’une privation. — Celui qui n’a pas su se déshabituer complètement d’un art, mais à qui cet art continue à demeurer familier, ne se doute pas, de loin, combien petite est la privation de vivre sans cet art.