Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
60
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

sés : mais s’ils nous incitent à une vertu, par exemple le renoncement, la fidélité au devoir, l’ordre, l’économie, la mesure, il faut les écouter, quelle que soit la façon dont on les qualifie. Car, lorsque l’on a atteint ce à quoi ils tendent, la vertu réalisée anoblit à tout jamais les motifs lointains de nos actes, grâce à l’air pur qu’elle fait respirer et au bien-être moral qu’elle communique ; et, plus tard, nous n’accomplissons plus ces mêmes actes pour les mêmes motifs grossiers qui autrefois nous y incitaient, L’éducation doit donc, autant que cela est possible, forcer à la vertu, conformément à la nature de l’élève : mais que la vertu elle-même, étant l’atmosphère ensoleillée et estivale de l’âme, y fasse sa propre œuvre et y ajoute la maturité et la douceur.

92.

Christianistes, et non pas chrétiens. — C’est donc là votre christianisme ! — Pour mettre des hommes en colère vous louez « Dieu et ses saints » ; et quand vous voulez louer des hommes vous poussez vos louanges si loin qu’il faut que Dieu et ses saints se mettent en colère. — Je voudrais que vous apprissiez du moins à avoir les allures chrétiennes, puisque les douceurs d’un cœur chrétien vous font défaut.

93.

Impression de la nature chez les hommes pieux et irréligieux. — Un homme pieux et complet doit être pour nous un objet de vénération ; mais il dqit en être de même pour un homme complet, sincère-