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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



83.

Se laisser aller. — Plus quelqu’un se laisse aller, moins le laissent aller les autres.

84.

Le gredin innocent. — Il y a une voie lente et graduelle pour arriver au vice et à la canaillerie sous toutes leurs formes. Au bout de cette voie, celui qui la suit a été complètement abandonné par l’essaim de mouches de la mauvaise conscience, et, bien que d’une scélératesse parfaite, il garde cependant son innocence.

85.

Faire des plans. — Faire des plans et prendre des résolutions cela procure beaucoup de sentiments agréables ; et celui qui aurait la force de n’être, durant toute sa vie, qu’un forgeur de plans serait un homme très heureux : mais il lui faudra, de temps en temps, se reposer de cette activité, en exécutant un plan — et alors viendront pour lui la colère et la désillusion.

86.

Ce qui nous sert à voir l’idéal. — Tout homme capable se bute à sa capacité et ne peut pas s’appuyer sur celle-ci pour juger librement les choses. S’il n’avait pas, en outre, une bonne part d’imperfection, sa vertu l’empêcherait de parvenir à la liberté intellectuelle et morale. Nos défauts sont les yeux par lesquels nous voyons l’idéal.