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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

c’étaient des traces d’expérience de la vie, c’est-à-dire des témoignages que l’on a beaucoup vécu et mal vécu, que l’on a souffert, que l’on s’est trompé et que l’on s’est repenti. Donc : on passe auprès d’eux pour plus vieux, tout aussi bien que pour plus mauvais qu’on n’est, lorsque l’on a beaucoup d’esprit et qu’on le montre.

344.

Comment il faut vaincre. — Il ne faut pas vouloir vaincre lorsque l’on a seulement la perspective de dépasser son adversaire d’un cheveu. La bonne victoire doit réjouir le vaincu, et avoir quelque chose de divin qui épargne l’humiliation.

345.

Illusion des esprits supérieurs. — Les esprits supérieurs ont de la peine à se délivrer d’une illusion : ils se figurent qu’ils éveillent la jalousie des médiocres et qu’ils sont considérés comme des exceptions. Mais en réalité on les considère comme quelque chose de superflu, dont on se passerait, si cela n’existait pas.

346.

Exigence de la vanité. — Changer ses opinions, c’est, pour certaines natures, une exigence de propreté, de même que changer de vêtements : mais pour d’autres natures ce n’est qu’une exigence de la vanité.