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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

se garder d’être longtemps malade : car bientôt les spectateurs sont impatientés par l’obligation habituelle de témoigner de la compassion — vu qu’ils ont trop de peine à se maintenir longtemps dans cet état d’esprit. Et, presque sans transition, ils en viennent à soupçonner votre caractère et à conclure « que vous méritez d’être malade et qu’il est inutile de faire un effort de pitié ».

315.

Avertissement aux enthousiastes. — Que celui qui aime à se laisser entraîner et qui désirerait se voir porté vers le ciel prenne garde à ne pas devenir trop lourd : c’est-à-dire qu’il n’apprenne pas trop de choses et surtout qu’il ne se laisse pas envahir par la science. C’est cela qui rend lourd ! — prenez garde, ô enthousiastes !

316.

Savoir se surprendre. — Celui qui veut se voir lui-même tel qu’il est doit savoir se surprendre avec le flambeau à la main. Car il en est des choses spirituelles comme des choses corporelles : celui qui est habitué à se voir dans la glace oublie toujours sa laideur : ce n’est que par le peintre qu’il en reçoit de nouveau l’impression. Mais il s’habitue aussi à la peinture et il oublie sa laideur pour la seconde fois. — Ceci conformément à la loi générale qui fait que l’homme ne supporte pas ce qui est immuablement laid, si ce n’est pour un moment : il l’oublie et il le nie dans tous les cas. — Les mo-