Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/391

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
391
LE VOYAGEUR ET SON OMBRE


287.

De l’étude du corps social. — Ce qu’il y a de plus fâcheux pour celui qui veut étudier aujourd’hui en Europe, et surtout en Allemagne, l’économie et la politique, c’est que les conditions véritables, au lieu d’exemplifier les règles, démontrent un état de transition ou de déclin. C’est pourquoi il faut apprendre d’abord à regarder au delà de ce qui existe véritablement, pour arrêter par exemple le regard dans le lointain, sur l’Amérique du Nord, — où l’on peut suivre encore des yeux et rechercher les mouvements originels et normaux du corps social, si on le veut vraiment, — tandis qu’en Allemagne il faut pour cela de difficiles études historiques ou, comme je l’ai indiqué, une lunette d’approche.

288.

En quoi la machine humilie. — La machine est impersonnelle, elle enlève au travail sa fierté, ses qualités et ses défauts individuels qui sont le propre de tout travail qui n’est pas fait à la machine, — donc une parcelle d’humanité. Autrefois tout achat chez des artisans était une distinction accordée à une personne, car on s’entourait des insignes de cette personne : de la sorte les objets usuels et les vêtements devenaient une sorte de symbolique d’estime réciproque et d’homogénéité personnelle, tandis qu’aujourd’hui nous semblons vivre seulement au milieu d’un esclavage anonyme et