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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

damentale et utopique de Platon que les socialistes continuent toujours à chanter, repose sur une connaissance imparfaite de l’homme : il ignore l’histoire des sentiments moraux, il manque de clairvoyance au sujet de l’origine des bonnes qualités utiles de l’âme humaine. De même que toute l’antiquité, il croyait au bien et au mal, comme au blanc et au noir, donc comme à une différence radicale entre les hommes bons et les hommes mauvais, les bonnes qualités et les mauvaises qualités. — Pour que, dans l’avenir, on ait plus de confiance en la propriété et que celle-ci devienne plus morale il faut ouvrir tous les moyens de travail qui mènent à la petite fortune, mais empêcher l’enrichissement facile et subit ; il faudrait retirer des mains des particuliers toutes les branches du transport et du commerce qui favorisent l’accumulation des grandes fortunes, donc avant tout le trafic d’argent — et considérer ceux qui possèdent trop comme des êtres dangereux pour la sécurité publique au même titre que ceux qui ne possèdent rien.

286.

La valeur du travail. — Si l’on voulait déterminer la valeur du travail d’après le temps, l’application, la bonne ou la mauvaise volonté, la contrainte, l’ingéniosité ou la paresse, l’honnêteté ou la dissimulation que l’on y a mis, l’appréciation de la valeur ne pourrait jamais être juste ; car il faudrait pouvoir mettre sur la balance la personne tout entière, ce qui est impossible. Il s’agit de dire ici « ne jugez point ! » Mais c’est précisément le cri