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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

chérit de tout son cœur, et qui n’est que la pleine jouissance de sa propre vigueur, qui s’accroît des espoirs savourés d’avance. Les années de quarante à cinquante enfin : pleines de mystère, comme tout ce qui est immobile, pareilles à un vaste plateau des hautes montagnes, effleuré par une brise fraîche, sous un ciel pur et sans nuages qui, jour et nuit, regarde la terre avec la même sérénité : le temps de la récolte et de la joie la plus cordiale, — c’est l’automne de la vie.

270.

L’esprit des femmes dans la société actuelle. — Quelle est aujourd’hui la pensée des femmes au sujet de l’esprit des hommes ? On le devine à la façon dont celles-ci négligent de souligner particulièrement l’intellectualité de leurs traits ou les détails spirituels de leur visage, et, plutôt qu’à cela, pensent à toute autre chose : elles font au contraire leur possible pour cacher ces qualités et savent se donner, en se couvrant par exemple le front de leurs cheveux, l’expression d’une sensualité et d’une matérialité vivantes et pleines d’appétits, surtout lorsqu’elles possèdent fort peu ces qualités. Leur conviction que l’esprit chez la femme effraye les hommes va si loin qu’elles renient volontiers l’acuité de l’intelligence pour s’attirer, avec intention, la réputation d’une vue courte : par là elles pensent donner confiance aux hommes ; c’est comme si elles étendaient autour d’elles l’invite d’un doux crépuscule.