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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



262.

Prévenir contre soi-même. — Quelqu’un disait : je suis prévenu contre moi-même depuis ma plus tendre enfance : c’est pourquoi je trouve dans chaque blâme un peu de vérité, dans chaque louange un peu de bêtise. J’estime généralement trop bas le blâme et trop haut la louange.

263.

Chemin de l’égalité. — Une heure d’ascension dans les montagnes fait d’un gredin et d’un saint deux créatures à peu près semblables. La fatigue est le chemin le plus court vers l’égalité et la fraternité — et durant le sommeil la liberté finit par s’y ajouter.

264.

Calomnie. — Si l’on trouve la trace d’une mise en suspicion vraiment infamante il ne faut jamais en chercher la source chez ses ennemis loyaux et simples ; car, si ceux-ci inventaient sur notre compte une pareille chose, étant nos ennemis, ils ne trouveraient pas créance. Mais ceux à qui nous avons été le plus utiles pendant un certain temps et qui, pour une raison quelconque, peuvent être secrètement certains de ne plus rien obtenir de nous, — ceux-là sont capables de mettre une infamie en circulation : ils trouvent créance, d’une part parce que l’on admet qu’ils n’inventeraient rien qui pourrait leur nuire personnellement, d’autre part puisqu’ils ont appris à nous connaître de plus près.