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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

déchaîne une somme de forces énorme qui autrement demeurerait endormie ; mais elle n’incite pas à s’élever, à faire mieux, à devenir artiste. Elle rend actif et uniforme, mais ceci produit à la longue un effet contraire : un ennui désespéré s’empare de l’âme qui apprend à aspirer, par la machine, à une oisiveté mouvementée.

221.

Le côté dangereux du rationalisme. — Toutes ces choses folles plus qu’à moitié, histrionesques, bestialement cruelles, voluptueuses et surtout sentimentales, ces choses toutes pleines d’une ivresse de soi qui, réunies, composent la véritable substance révolutionnaire et qui, avant la Révolution, s’étaient incarnées en Rousseau, — tout cet assemblage finit encore, avec un enthousiasme perfide, par élever au-dessus de sa tête fanatique le rationalisme qui acquit ainsi comme un rayonnement de gloire. Ce rationalisme qui, de par son essence, est si étranger à toutes ces choses, livré à lui-même, aurait passé comme un rayon de lumière qui traverse les nuages, et se serait contenté longtemps de ne transformer que les individus, de sorte que, sous son impulsion, les mœurs et les institutions des peuples ne se seraient aussi transformées que très lentement. Mais, lié à un organisme violent et impétueux, le rationalisme devint lui-même violent et impétueux. Par là, le danger qu’il présente est devenu presque plus grand que l’utilité libératrice et la clarté amenées par lui dans le vaste mouvement révolutionnaire. Celui qui comprend