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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE



205.

Neutralité de la grande nature. — La neutralité de la grande nature plaît (celle que l’on trouve dans la montagne, la mer, la forêt, le désert), mais seulement pour peu de temps : ensuite nous commençons à devenir impatients. « Ces choses-là ne veulent-elles donc rien nous dire à nous ? N’existons-nous pas pour elles ? » Le sentiment naît d’un crimen lœsœ majestatis humanœ.

206.

Oublier les intentions. — En voyageant, on oublie généralement le but du voyage. De même que toute profession est choisie et entreprise comme moyen pour arriver à un but, mais continuée comme si elle était le but extrême. L’oubli des intentions est la bêtise la plus fréquente que l’on fasse.

207.

Écliptique de l’idée. — Lorsqu’une idée commence à se lever à l’horizon, la température de l’âme y est généralement très froide. Ce n’est que peu à peu que l’idée développe sa chaleur, et elle est le plus intense (c’est-à-dire qu’elle fait son plus grand effet) lorsque la croyance en l’idée est déjà en décroissance.

208.

Par quoi l’on aurait tout le monde contre soi. — Si quelqu’un osait dire maintenant : « Celui qui n’est pas pour moi est contre moi », il aurait immé-