Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/34

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

chose morale, d’un ordre supérieur, qui est sortie d’une racine vulgaire.

27.

Les obscurantistes. — L’essentiel, dans la magie noire des obscurantistes, ce n’est pas qu’elle veut troubler les cerveaux, mais qu’elle tend à noircir l’image du monde et à obscurcir notre idée de l’existence. Il est vrai que, pour arriver à cette fin, l’obscurantisme s’applique souvent à empêcher l’émancipation des esprits, mais, dans certains cas, il use précisément du moyen opposé et cherche, par l’extrême affinement de l’intelligence, à engendrer la satiété. Les métaphysiciens subtils qui préparent le scepticisme et qui, par leur extrème sagacité, invitent à la méfiance envers la sagacité, sont d’excellents instruments d’un obscurantisme plus raffiné. Est-il possible de pouvoir faire servir à cette fin Kant lui-même ? Je dirai plus est-il possible que, d’après sa propre déclaration demeurée tristement fameuse, il ait voulu lui-même quelque chose de semblable, du moins d’une façon passagère : ouvrir une route à la foi, en assignant ses limites à la science ? — Il est vrai qu’il n’y a pas réussi, lui pas plus que ses successeurs dans les sentiers de loup et de renard de cet obscurantisme très raffiné et très dangereux — c’est même le plus dangereux de tous : car la magie noire apparaît ici avec une auréole de lumière.

28.

Quelle espèce de philosophie fait périr l’art. — Si les brumes d’une philosophie métaphysico-