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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

n’est pas ce qu’il est, mais ce pour quoi il passe qui le soutient ou l’abat : voilà l’origine de la vanité. Le puissant cherche par tous les moyens possibles à augmenter la foi en sa puissance. — Ceux qui lui sont assujettis, qui tremblent devant lui et le servent, savent, d’autre part, qu’ils ne valent exactement que ce pour quoi ils sont réputés : c’est pourquoi ils travaillent en vue de cette réputation et non point en vue de leur satisfaction personnelle. Nous ne connaissons la vanité que sous ses formes les plus affaiblies, lorsqu’elle ne se montre plus que sublimée et à petites doses, parce que nous vivons à une époque tardive et très adoucie de la société : primitivement elle était la chose la plus utile, le moyen de conservation le plus violent. Or, la vanité sera d’autant plus grande que l’individu sera plus avisé : parce qu’il est plus facile d’augmenter la croyance en la puissance que d’augmenter la puissance elle-même, mais c’est seulement le cas pour celui qui a de l’esprit — ou bien, comme il faut dire pour les états primitifs, pour celui qui est rusé et dissimulé.

182.

Pronostics de la culture. — Il y a si peu d’indices décisifs de la culture qu’il faut être heureux d’en posséder du moins un qui soit infaillible, pour s’en servir dans sa maison et son jardin. Pour examiner si quelqu’un est des nôtres ou non — je veux dire s’il fait partie des esprits libres — il faut s’informer de ses sentiments vis-à-vis du christianisme. S’il prend un autre point de vue que le