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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

à leurs pieds, est dévoré par son impatience et sa curiosité.

177.

Les meilleures plaisanteries. — Je fais le meilleur accueil à la plaisanterie qui se glisse en place d’une pensée lourde et hésitante, en même temps comme signe de la main et comme clignement de l’œil.

178.

Accessoires de toute vénération. — Partout où l’on vénère le passé il ne faut pas laisser entrer les méticuleux qui veulent faire place nette. La piété ne se sent pas à l’aise sans un peu de poussière, d’ordure et de boue.

179.

Le grand danger des savants. — Ce sont justement les savants les plus distingués et les plus sérieux qui courent le danger de voir le but de leur vie placé toujours plus bas, car ils ont le sentiment que, dans la seconde partie de leur existence, ils deviendront de plus en plus chagrins et querelleurs. Ils commencent par se jeter dans leur science, avec de vastes espoirs, et ils s’attribuent des tâches audacieuses dont leur imagination anticipe parfois déjà le but : il y a alors des moments semblables à ceux que l’on trouve dans la vie des grands navigateurs qui vont à la découverte ; — le savoir, le pressentiment et la force s’élèvent mutuellement toujours plus haut, jusqu’à ce qu’une côte lointaine et nouvelle