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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

tion : sur qui a-t-on voulu faire de l’effet, et sur qui un artiste noble a-t-il seulement le droit de vouloir faire de l’effet ? Jamais sur le peuple ! Jamais sur les êtres qui n’ont pas atteint leur maturité ! Jamais sur les êtres sensibles ! Jamais sur les êtres maladifs ! Mais avant tout : jamais sur les êtres émoussés !

166.

Musique d’aujourd’hui. — Cette musique archimoderne, avec ses poumons vigoureux et ses nerfs délicats, s’effraye toujours d’abord devant elle-même.

167.

Où la musique est à l’aise. — La musique n’atteint sa grande puissance que parmi les hommes qui ne peuvent ni ne doivent discuter. C’est pourquoi ses premiers promoteurs sont les princes qui ne veulent pas que, dans leur entourage, l’on critique beaucoup, ni même que l’on pense beaucoup ; et ensuite les sociétés qui, sous une pression quelconque (princière ou religieuse), sont forcées de s’habituer au silence, mais qui sont à la recherche de sortilèges d’autant plus violents contre l’ennui du sentiment (généralement l’éternel penchant amoureux et l’éternelle musique) ; en troisième lieu des peuples tout entiers où il n’y a point de « société », mais d’autant plus d’individus avec un penchant à la solitude, à des pensées crépusculaires et à la vénération de tout ce qui est inexprimable : ce sont les véritables âmes musicales. — Les Grecs,