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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE



164.

Victoire et raison. — Malheureusement, dans les guerres esthétiques que les artistes provoquent avec leurs œuvres et la défense de celles-ci, c’est aussi la force qui décide en dernière instance et non point la raison. Maintenant tout le monde admet, comme fait historique, que le bonheur dans la lutte a eu raison avec Piccini : en tous les cas Piccini a été victorieux ; la force se trouvait de son côté.

165.

Du principe de l’exécution musicale. — Les exécutants d’aujourd’hui croient-ils donc vraiment que c’est le commandement suprême de leur art de donner à chaque morceau autant de haut-relief que possible et de lui faire parler à tout prix un langage dramatique ? Appliqué, par exemple, à Mozart, n’est-ce pas là un véritable pêché contre l’esprit, l’esprit serein, ensoleillé, tendre et léger de Mozart, dont le sérieux est un sérieux bienveillant et non point un sérieux terrible, dont les images ne veulent pas sauter hors de leur cadre pour épouvanter et mettre en fuite celui qui les contemple ? Ou bien vous imaginez-vous que la musique de Mozart s’identifie à la musique du « Festin de Pierre » ? Et non seulement la musique de Mozart, mais toute espèce de musique ? — Mais vous répondez que le plus grand effet parle en faveur de votre principe — et vous auriez raison si l’on ne vous répliquait pas par une autre ques-