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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

(moderne), mais de là il tourne son regard vers le moyen âge.

150.

Hændel. — Hændel, lorsqu’il composait sa musique, était brave, novateur, vrai, puissant ; il se tournait vers un héroïsme semblable à celui dont un peuple est capable, — mais, lorsqu’il s’agissait d’achever son travail, il était souvent plein de contrainte, de froideur et même de dégoût de soi ; alors il se servait de quelques méthodes éprouvées dans l’exécution, il se mettait à écrire vite et beaucoup et était trop heureux d’en avoir fini, — mais ce n’était pas un contentement pareil à celui de Dieu et d’autres créateurs, au soir de leur journée féconde.

151.

Haydn. — Si la génialité peut s’allier à la nature d’un homme simplement bon, Haydn a possédé cette génialité. Il va jusqu’à la frontière que la moralité trace à l’intelligence ; il ne fait que de la musique qui n’a pas de « passé ».

152.

Beethoven et Mozart. — La musique de Beethoven apparaît souvent comme une contemplation profondément émue à l’audition d’un morceau que l’on croyait perdu depuis longtemps, c’est « l’innocence dans les sons », une musique au sujet de la musique. La chanson du mendiant ou de l’enfant des rues, les motifs traînants des Italiens en