Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
301
LE VOYAGEUR ET SON OMBRE



132.

Livres classiques. — Le côté le plus faible de tout livre classique c’est qu’il est trop écrit, dans la langue maternelle de son auteur.

133.

Mauvais livres. — Le livre doit crier après la plume, l’encre et la table de travail : mais généralement c’est la plume, l’encre et la table de travail qui crient après le livre. C’est pourquoi de nos jours les livres sont si peu de chose.

134.

Présence des sens. — Le public, en réfléchissant à des tableaux, devient poète, mais quand il réfléchit à des poèmes, il devient observateur. Au moment où l’artiste fait appel au public il manque généralement du sens véritable, donc non point de présence d’esprit, mais de présence des sens.

135.

Idées choisies. — Le style choisi d’une époque prééminente trie non seulement les mots, mais encore les idées, — et il cherche, tant les mots que les idées, dans ce qui est usuel et dominant : les idées risquées et trop neuves répugnent tout autant au goût mûr que les images et les expressions neuves et audacieuses. Plus tard ces deux choses — l’idée choisie et le mot choisi — sentent facilement la médiocrité, parce que l’odeur particulière s’y