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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

aussi un peu de l’ombre de l’oubli. — Mais les classiques ne sont pas les planteurs des vertus intellectuelles ou littéraires, ils sont l’accomplissement et les plus hauts sommets de ces vertus, qui continuent à s’élever au-dessus des peuples, lors même que ceux-ci périraient : car ils sont plus légers, plus libres et plus purs qu’eux. On peut imaginer un état supérieur de l’humanité, où l’Europe des peuples aura sombré dans l’oubli du passé, mais où l’Europe vivra encore dans trente volumes très anciens et qui ne vieilliront jamais : dans les classiques.

126.

Intéréssant, mais point beau. — Cette contrée cache sa signification, mais elle en a une que l’on aimerait deviner : partout où je regarde, je lis des mots et des indications de mots, mais je ne sais pas où commence la phrase qui résout l’énigme de toutes ces indications, et je gagne un torticolis à essayer vainement de lire, en commençant par tel côté ou par tel autre.

127.

Contre les novateurs du langage. — Faire des néologismes ou des archaïsmes dans le langage, préférer le rare et l’étrange, viser à la richesse des expressions plutôt qu’à la restriction, c’est toujours le signe d’un goût qui n’a pas encore atteint sa maturité ou qui est déjà corrompu. Une noble pauvreté, mais, dans un domaine sans apparence, une liberté de maître, c’est ce qui distingue, en Grèce,