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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

nous l’en faisons profiter, pour peu qu’il nous dédommage de quelque façon que ce soit.

107.

Wieland. — Wieland a écrit l’allemand mieux que n’importe qui, et, dans la perfection et l’imperfection, il y a gardé sa maîtrise (sa traduction des lettres de Cicéron et celle de Lucien sont les meilleures traductions allemandes) ; mais ses idées ne nous donnent plus à réfléchir. Nous supportons ses moralités joyeuses tout aussi peu que ses joyeuses immoralités : toutes deux sont inséparables. Les hommes qui y prenaient plaisir étaient certainement, au fond, des hommes meilleurs que nous, — mais ils étaient aussi passablement plus lourds, ce qui fait qu’ils eurent besoin d’un pareil écrivain. Gœthe n’était pas nécessaire aux Allemands, c’est pourquoi ils ne savent pas qu’en faire. Étudiez à ce point de vue les meilleurs parmi nos hommes d’État et nos artistes : tous, ils n’ont pas eu Gœthe comme éducateur, — ils ne pouvaient pas l’avoir comme tel.

108.

Fêtes rares. — De la concision solide, du calme et de la maturité, — quand tu trouveras ces qualités réunies chez un auteur, arrête-toi et célèbre une grande fête au milieu du désert : il se passera du temps avant que tu n’éprouves de nouveau un aussi grand plaisir.