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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

impertinemment improvisé et échafaudé dans le néant. (« Donc » veut dire chez eux « imbécile de lecteur, pour toi il n’y a pas de « donc », — mais seulement pour moi » — à quoi il faut répondre : « imbécile d’écrivain, pourquoi écris-tu donc ? »)

93.

Montrer de l’esprit. — Chacun de ceux qui veulent montrer de l’esprit laisse entendre qu’il est aussi richement pourvu du contraire. Ce travers de certains Français spirituels, qui consiste à ajouter à leurs meilleures saillies un trait de dédain, a son origine dans le désir de se faire passer pour plus riches qu’ils ne sont : ils veulent prodiguer avec nonchalance, fatigués en quelque sorte des continuelles offrandes, puisées dans les greniers trop pleins.

94.

Littérature allemande et française. — Le malheur des littératures allemandes et françaises, des cent dernières années, vient de ce que les Allemands sont sortis trop tôt de l’école des Français — tandis que plus tard les Français sont allés trop tôt à l’école des Allemands.

95.

Notre prose. — Aucun des peuples civilisés actuels n’a une aussi mauvaise prose que le peuple allemand ; et, si des Français spirituels et délicats disent : il n’y a pas de prose allemande, il ne faudrait en somme pas s’en formaliser, vu que cela est