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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

et du cheval sont simples et n’ont rien de sacerdotal, et la véritable tâche religieuse, telle qu’il se l’est posée — mettre le dieu à l’épreuve de cent façons pour savoir s’il a dit la vérité — permet de conclure à une attitude débonnaire et libre que prend le missionnaire pour se placer aux côtés de son dieu. Cette façon de mettre le dieu à l’épreuve est un des plus subtils compromis que l’on puisse imaginer entre la piété et la liberté d’esprit. — Maintenant nous n’avons plus non plus besoin de ce compromis.

73.

Loyauté dans la peinture. — Raphaël, qui tenait beaucoup à l’Église (pour peu qu’elle pût payer) et fort peu, comme d’ailleurs les meilleurs de son temps, aux objet de la foi chrétienne, Raphaël n’a pas fait un pas pour suivre la piété exigeante et extatique de certains de ses clients : il a gardé sa loyauté, même dans ce tableau exceptionnel qui fut primitivement destiné à une bannière de procession, la madone de la chapelle Sixtine. Là il lui vint à l’idée de peindre une vision : mais une vision, telle que de nobles jeunes hommes sans « foi » peuvent en avoir aussi et en auront certainement, la vision de l’épouse de l’avenir, d’une femme intelligente, d’âme noble, silencieuse et très belle qui porte son nouveau-né dans ses bras. Que les anciens qui sont habitués aux prières et aux adorations, pareils au digne vieillard de gauche, vénèrent ici quelque chose de surhumain : nous autres jeunes — ainsi semble nous le dire Raphaël — nous voulons tenir pour la jolie fille de droite qui,