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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

admettant dès lors que, par des éducateurs maladroits et par des hasards néfastes, les graines de la vertu n’aient pas été semées, chez tous les quatre, sur le sol de leur nature, ce sol, chez eux le plus riche et le plus fécond, ils seraient devenus des hommes sans moralité, faibles et désagréables. Et quel eût précisément été le plus maladroit de tous les éducateurs et le mauvais destin de ces quatre hommes ? Le fanatique moral qui croit que le bien ne peut sortir que du bien, ne peut croître que sur le bien.

71.

L’écriture de la prévoyance. — A : Mais si tous ils savaient cela, ce serait nuisible pour la plupart d’entre eux. Toi-même, tu appelles ces opinions dangereuses pour celui qui est en danger et cependant tu en fais part publiquement ? — B : J’écris de façon à ce que ni la populace, ni les populi, ni les partis de tous genres n’aient envie de me lire. Par conséquent ces opinions ne seront jamais publiques. — A : Mais comment écris-tu donc ? — B : Ni d’une façon utile, ni d’une façon agréable, pour les trois dénommés plus haut.

72.

Missionnaires divins. — Socrate, lui aussi, se considérait comme un missionnaire divin : mais je ne sais trop quelle velléité d’ironie attique et de plaisir à la plaisanterie se fait encore sentir chez lui, velléité par quoi s’atténue ce terme fatal et prétentieux. Il en parle sans onction : ses images du frein