Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
266
HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE



65.

Ce qui est d’abord nécessaire. — Un homme qui ne veut pas se rendre maître de sa colère, de ses accès de haine et de vengeance, de sa luxure et qui malgré cela aspire à devenir maître en quoi que ce soit est aussi bête que l’agriculteur qui place son champ sur les bords d’un torrent sans se garantir contre celui-ci.

66.

Qu’est-ce que la vérité ? — Schwarzert (Mélanchton)[1] : On proclame souvent sa foi lorsque l’on vient précisément de la perdre et qu’on la cherche dans toutes les rues, — et ce n’est pas alors qu’on la proclame le moins bien ! — Luther : Tu dis vrai aujourd’hui, mon frère, et tu parles comme si tu étais un ange ! — Schwarzert : Mais c’est bien là l’idée de tes ennemis, et ils en font l’application sur toi. — Luther : C’est donc un mensonge engendré par le diable !

67.

Habitudes des contrastes. — L’observation superficielle et inexacte voit des contrastes dans la nature (par exemple l’opposition entre « chaud » et « froid »), partout où il n’y a pas de contrastes, mais seulement des différences de degrés. Cette mauvaise habitude nous a poussés à vouloir aussi comprendre et séparer d’après ces contrastes, la

  1. Schwarzert était le nom véritable de Mélanchton. — N. d. T.