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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

l’enceinte de la communauté, où tous se considèrent comme égaux en valeur. Il y a pour réprimer les délits, c’est-à-dire contre la rupture du principe de l’équilibre, la honte et la punition : la honte, un poids institué contre le transgresseur qui s’est procuré des avantages par des empiétements et à qui la honte porte des préjudices qui suppriment et contrebalancent les avantages antérieurs. Il en est de même de la punition : celle-ci établit contre la prédominance que s’arroge tout criminel un contre-poids beaucoup plus grand, contre le coup de force la prison, contre le vol la restitution et l’amende. C’est ainsi que l’on fait souvenir au malfaiteur que par son acte il s’est exclu de la communauté, renonçant aux avantages moraux de celle-ci : la communauté le traite en inégal, en faible, qui se trouve en dehors d’elle : c’est pourquoi la punition est non seulement une vengeance, c’est quelque chose de plus, qui possède la dureté de l’état primitif, car c’est cet état qu’elle veut rappeler.

23.

Les partisans de la doctrine du libre arbitre ont-ils le droit de punir ? — Les hommes qui, par profession, jugent et punissent, cherchent à fixer dans chaque cas particulier si un criminel est responsable de son acte, s’il a pu se servir de sa raison, s’il a agi pour obéir à des motifs et non pas inconsciemment ou par contrainte. Si on le punit, c’est d’avoir préféré les mauvaises raisons aux bonnes raisons qu’il devait connaître. Lorsque