Page:Nietzsche - Humain, trop humain (2ème partie).djvu/227

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
227
LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

qu’ils sont, s’occupent de nous pousser à une décision sur des matières où ni croyance ni savoir ne sont nécessaires ; même pour le plus épris de science il est plus avantageux qu’autour de tout ce qui est objet de recherche et accessible à la raison s’étende une fallacieuse ceinture de marais nébuleux, une bande d’impénétrable, d’éternellement flux et d’indéterminable. C’est précisément par la comparaison avec le règne de l’obscur, aux confins des terres du savoir, que le monde de la science, clair et prochain, tout prochain, croît sans cesse en valeur. — Il nous faut de nouveau devenir bon prochain des objets prochains ! et ne pas laisser, comme nous avons fait jusqu’ici, notre regard passer avec mépris au-dessus d’eux, pour se porter vers les nues et les esprits de la nuit. Dans des forêts et des cavernes, dans des terres marécageuses et sous des cieux couverts — c’est là que l’homme a trop longtemps vécu, vécu pauvrement aux divers degrés de civilisation des siècles entiers de siècles. Là il a appris à mépriser le présent et le prochain et la vie et lui-même — et nous, nous qui habitons les plaines plus lumineuses de la nature et de l’esprit, nous contractons encore, par héritage, en notre sang quelque chose de ce poison du mépris envers les choses prochaines.

17.

Explications profondes. — Celui qui a donné d’un passage d’auteur une explication plus profonde que n’en était la conception n’a pas expliqué son auteur, il l’a obscurci. Telle est la situation