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LE VOYAGEUR ET SON OMBRE

sommes-nous modestes quand nous nous en tenons là et que nous n’arrangeons pas, pour fêter les funérailles du dernier mortel, un crépuscule général du monde et des dieux. L’astronome même le plus affranchi de préjugés ne peut se représenter la terre sans vie autrement que comme la tombe illuminée et flottante de l’humanité.

15.

Modestie de l’homme. — Que peu de plaisir suffit à la plupart pour trouver la vie bonne, quelle modestie est celle de l’homme !

16.

Où l’indifférence est nécessaire. — Rien ne serait plus absurde que de vouloir attendre ce que la science établira définitivement sur les choses premières et dernières, et jusque-là de penser à la manière traditionnelle (et surtout de croire ainsi !) — comme on l’a souvent conseillé. La tendance à ne vouloir posséder sur ces matières que des certitudes absolues est une surpousse religieuse, rien de mieux, — une forme déguisée et sceptique en apparence seulement du « besoin métaphysique », doublée de cette arrière-pensée, que longtemps encore on n’aura pas la vue de ces certitudes dernières et que jusque-là le « croyant » est en droit de ne pas se préoccuper de tout cet ordre de faits. Nous n’avons pas du tout besoin de ces certitudes autour de l’extrême horizon, pour vivre une vie humaine pleine et solide : tout aussi peu que la fourmi en a besoin pour être une bonne fourmi. Il