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HUMAIN, TROP HUMAIN, DEUXIÈME PARTIE

sique, demi-morale avait assombri la conscience, il ne réfutait point cette hypothèse, mais il concédait que cela pouvait être : qu’il y avait seulement une seconde hypothèse pour expliquer le même phénomène ; que peut-être la chose pouvait se comporter encore autrement. La pluralité des hypothèses suffit encore en notre temps, par exemple à propos de l’origine des scrupules de conscience, pour ôter de l’âme cette ombre qui naît si facilement des raffinements sur une hypothèse unique, seule visible et par là cent fois trop prisée. — Qui souhaite donc de répandre la consolation à des infortunés, à des criminels, à des hypocondres, à des mourants, n’a qu’à se souvenir des deux artifices calmants d’Épicure, qui peuvent s’appliquer à beaucoup de problèmes. Sous leur forme la plus simple, ils s’exprimeraient à peu près en ces termes : premièrement, supposé qu’il en soit ainsi, cela ne nous importe en rien ; deuxièmement : il peut en être ainsi, mais il peut aussi en être autrement.

8.

Dans la nuit. — Dès que la nuit commence à tomber, notre impression sur les objets familiers se transforme. Il y a le vent, qui rôde comme par des chemins interdits, chuchotant, comme s’il cherchait quelque chose, fâché de ne pas le trouver. Il y a la lueur des lampes, avec ses troubles rayons rougeâtres, sa clarté lasse, luttant à contre-cœur contre la nuit, esclave impatiente de l’homme qui veille. Il y a la respiration du dormeur, son rythme